Sony Music face à la prolifération des morceaux deepfake générés par l’IA
- Anne-Louise GAYMARD
- 20 mars
- 3 min de lecture

Sony Music est en première ligne d’un combat majeur contre l’intelligence artificielle générative qui imite ses artistes. La maison de disques a déjà demandé la suppression de plus de 75 000 morceaux deepfake, des copies numériques frauduleuses qui reproduisent les voix et le style de ses talents sous forme de titres inédits… qu’ils n’ont pourtant jamais enregistrés.
En 2023, la major avait pris position publiquement contre l’utilisation de ses catalogues pour l’entraînement et l’exploitation commerciale de l’IA, estimant que cette pratique posait un risque majeur pour les artistes et l’industrie musicale.
QU'EST-CE QU'UN DEEPFAKE MUSICAL ET POURQUOI SONY MUSIC S'Y OPPOSE ?
Le terme deepfake est généralement associé aux vidéos truquées qui modifient le visage ou la voix d’une personne grâce à l’IA. En musique, cela fonctionne de la même manière : des algorithmes analysent des morceaux existants pour générer de nouvelles chansons imitant un artiste au point de tromper l’auditeur. Ces faux morceaux, souvent diffusés sur des plateformes comme YouTube, TikTok ou SoundCloud, peuvent donner l’illusion d’un inédit ou d’une fuite de titres jamais publiés.
Sony Music considère cette technologie comme une menace directe sur ses artistes et ses revenus. En effet, ces chansons deepfake :
Utilisent illégalement des voix et des styles d’artistes protégés par le droit d’auteur.
Engendrent une perte de revenus pour les artistes et les labels, puisque ces morceaux sont écoutés sans générer de rémunération pour les ayants droit.
Peuvent nuire à l’image et à la réputation des artistes, si des paroles ou des messages qu’ils ne cautionnent pas sont mis en avant.
Encouragent une diffusion incontrôlable de faux contenus, rendant plus difficile la gestion de la communication officielle des artistes.
UN IMPACT ÉCONOMIQUE COLOSSAL POUR SONY MUSIC
La prolifération des deepfakes menace directement les investissements de Sony Music dans ses artistes. Entre 2013 et 2024, la major a consacré plus d’1 milliard de livres sterling à la recherche de nouveaux talents (A&R), au marketing et à la promotion d’artistes britanniques. Ces efforts visent à développer des carrières sur le long terme et à garantir que les artistes bénéficient de leur propre travail.
Or, ces fausses chansons peuvent détourner une partie du public vers des contenus générés par IA, fragilisant les modèles économiques des labels et des plateformes de streaming légales. Les artistes les plus touchés sont ceux qui génèrent d’importantes audiences, comme Harry Styles, Beyoncé ou Queen, trois figures emblématiques du catalogue Sony.
UN COMBAT JURIDIQUE ET UNE MOBILISATION DE L'INDUSTRIE
L’industrie musicale se mobilise pour bloquer les initiatives gouvernementales britanniques qui envisagent d’autoriser l’entraînement des IA sur des œuvres protégées sans compensation pour les créateurs. Sony Music et d’autres acteurs du secteur militent pour un modèle où toute utilisation d’un morceau dans l’IA serait soumise à une licence et une rémunération équitable.
Dans sa soumission au gouvernement britannique, Sony Music souligne que le droit d’auteur est un pilier fondamental de l’industrie musicale et non une simple formalité législative. La major met en garde contre les conséquences d’un système où les ayants droit devraient eux-mêmes signaler et lutter contre les infractions, ce qui alourdirait considérablement la charge administrative des labels et des artistes.
SONY MUSIC VEUT ENCADRER L'IA PLUTÔT QUE LA REJETER
Malgré son opposition aux deepfakes illégaux, Sony Music ne ferme pas la porte à l’intelligence artificielle. L’entreprise explore actuellement des accords de licence avec des développeurs d’IA, afin d’encadrer ces nouvelles technologies et d’assurer une redistribution des revenus aux artistes, comme pour les autres formats numériques.
Le label insiste toutefois sur la nécessité d’une réglementation stricte, pour éviter un scénario où les artistes perdraient le contrôle de leur propre voix et de leur propre création.
L’industrie musicale a toujours su s’adapter aux évolutions technologiques, que ce soit avec le streaming ou le téléchargement numérique. Mais face à l’essor des deepfakes, les majors entendent défendre leurs artistes et préserver l’intégrité de la création musicale.
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